Brèves

 

 

Baba Bling

Signes intérieurs de richesse à Singapour

 

 

 

 

Un Baba est un Chinois qui vit en Asie du Sud-Est où ses ancêtres se sont installés depuis des siècles parfois. Les Babas peuvent constituer une minorité importante dans leur pays d'accueil et même dans la cité état de Singapour, ils représentent l'ethnie la plus nombreuse. Bien que fidèles à leur pays d'origine, ils ont développé une civilisation originale à laquelle le musée du quai Branly consacre une exposition sympathique, un rien ironique.

 

ymago_dsc_9159Le visiteur suit un itinéraire qui évoque les demeures de ces personnages. Il est accueilli par quelques portraits, raides et solennels, où l'influence occidentale le dispute à la tradition de la Chine. Puis de pièce en pièce, des plus officielles ouvertes sur la rue il chemine jusqu'au secret de la chambre nuptiale. Ces espaces clôturés de toiles légères et translucides aux couleurs pastels – on n'est jamais enfermé visuellement – montrent meubles, tableaux et objets. Le malheur est que ces oeuvres appartiennent à un moment de décadence de l'art chinois : la fin des Qing au XIXe et au début du XXe siècle. Ce ne sont que meubles lourds, en bois précieux, surchargés de sculptures et enrichis de laque et de dorures, tentures surbrodées, porcelaines où un décor envahissant fait oublier la pureté des formes. Si l'on avait mauvais esprit on pourrait dire que cette vaisselle n'est pas sans rappeler celle que les grands magasins occidentaux proposent à leurs clients lors des « semaines chinoises ». Oui nous sommes ici dans le royaume du Bling Bling cher à notre époque : bijoux brillants, soieries éclatantes, étonnants tissus faits de mosaïques de perles multicolores...

 

ymago_5_baba01_00130_b - copieEn fait l'intérêt de la manifestation est moins dans l'exposition d'objets plus ou moins élégants ou raffinés mais plutôt dans la description d'une classe sociale dynamique, pleine de gaité et d'optimisme qui n'hésite pas à emprunter au milieu local ce qui lui convient : en témoigne la vêture des femmes qui adopte les modes locales plus commodes et plus seyantes. Même la religion se métisse. On s'arrêtera devant cet étonnant, mais assez laid, autel Tao « christianisé » dans les années 20 du XXe siècle par une image doucereuse de la sainte famille. Dans un domaine plus trivial, la cuisine elle-même emprunte au milieu local : la vitrine consacrée à cet aspect, une des plus séduisante de l'exposition, montre instruments et récipients d'une sobre beauté parce que l'on n'a pas cru nécessaire des les orner : ah ces superbes jarres à la couverte d'un gros vert-bleu !

 

En fin de parcours, les cinq grandes photographies de Chris Yap ainsi que trois épisodes de la série télévisée The Little Nonya parleront plus au visiteur. Elles rendent compte, mieux que des objets forcément statiques, de la vitalité, du dynamisme d'un peuple si méconnu en France...

 

 

Gilles Coÿne

 

 

 

 

 

 

 

Vue de l'exposition © musée du quai Branly, photo Gauthier Deblonde

Young Prince of the First Princess © chrisyapphotography

 

 

Baba Bling

Signes intérieurs de richesse à Singapour

5 octobre 2010 – 30 janvier 2011

Musée du quai Branly

27 ou 37, quai Branly, 206 et 208 rue de l'Université pour les handicapés, 75006 Paris

Tél. : 01 56 61 70 00

Internet : www.quaibranly.fr

Heures d'ouverture : mardi, mercredi et dimanche, 11h à 19h ; jeudi, vendredi et samedi, 11h à 21h.

Publication : La culture peranakan, guide A à Z. - Paris, 2010, éditions Didier Millet, 20€ ; Hors série Beaux-Arts magazine, 68 p. 9€.