Expositions

 

 

 

Corot dans la lumière du Nord

 

 

 

 

04-corot_le beffroi de douai. 1871-muse du louvre  rmn-grand palais-stphane marchalleLe musée des Beaux-Arts de Carcassonne raconte une belle histoire d'amitié et de peinture en proposant une exposition sur les voyages de Corot dans le Nord de la France. À partir de 1851 et ce jusqu'à se mort en 1875, le maître du paysage avait l'habitudes de se rendre régulièrement à Arras, à Douai et dans toute la région pour peindre. Il y était accueilli par un petit groupe d'admirateurs constitué de collectionneurs, d'artistes - professionnels ou amateurs. C'était l'occasion de parler de peinture, de la pratiquer en groupe en plantant son chevalet devant des sites prometteurs. Ces fidèles effectuaient aussi quelques escapades plus au nord pour admirer ou critiquer les grands ancêtres flamands et hollandais et aussi peindre campagne et littoral. Il reste de ces moments privilégiés des toiles, des dessins, des clichés-verre et des lettres. Tout cela forme la matière d'une rétrospective originale dont l'aspect familier n'est pas le moindre charme. Le Beffroi de Douai, un des chefs-d'œuvres du Louvre augmente encore l'intérêt de la manifestation. Pour ce tableau Robaut, un de ses élèves, s'était fait prêter une pièce dans l'appartement d'un ami pour que le peintre jouisse d'un point de vue privilégié et travaille confortablement.

 

Camille Corot est né à Paris en 1796 dans une famille de commerçants aisés. Après une vaine tentative de suivre leur trace, il s'oriente définitivement vers une carrière artistique en entrant dans l'atelier de Achille Etna Michallon puis, à la mort prématurée de ce dernier, dans celui de Jean Victor Bertin un artiste de sensibilité néo-classique. Il est à l'abri du besoin grâce à la rente que lui servent ses parents qui financeront aussi ses séjours en Italie : de 1828 à 1831, puis en 1834 et enfin en 1841. Durant ces déplacements, comme d'ailleurs en France, il dessine sur le motif de pochades vivement enlevées qui serviront de matériau à l'élaboration de peintures plus ambitieuses. Le succès viendra sur le tard. Nous sommes plus sensibles aujourd'hui à ces esquisses, que ses contemporains ont ignorées jusqu'à la dispersion de l'atelier à sa mort, qu'à ses Souvenirs de Mortefontaine, Bains de Diane et autres tableaux vaporeux qui assurèrent sa gloire de son vivant. Corot était un homme simple, cordial, d'un abord agréable, voire jovial, d'une grande générosité et qui n'hésitait pas à venir en aide à ceux qui en avaient besoin. C'était ce que l'on appelait alors un « vieux garçon » qui trouvait dans sa parentèle et ses amis des familles de substitution pour l'accueillir, lors de ses voyages en province comme à l'étranger. Arras fut une de ces étapes, et peut-être celle à qui il fut le plus fidèle puisqu'il y revint souvent jusqu'à sa mort.

 

 

03-corot_chateau de wagnonville  muse de la chartreuse de douaiTout a commencé en 1847, lorsque Constant Dutilleux (1807 - 1865), au cours d'un voyage dans la capitale acheta deux tableaux, l'un de Delacroix, avec qui il entretenait des liens d'amitié, l'autre de Corot (peut-être sur une suggestion du grand peintre). Il s'ensuivit une correspondance qui se mua en une amitié profonde.

 

 

Qui était Constant Dutilleux ? Un imprimeur d'Arras, peintre profes-sionnel qui, sous l'influence de son nouvel ami, modifie profondément sa technique en allégeant son coloris. C'était un excellent portraitiste, il fera ceux du maître, mais aussi celui, exposé lui aussi, du magistrat, peintre à ses heures, Constant Le Gentil : une austère et élégante effigie dont émergent du fond sombre la calligraphie des mains et du visage, une image parfaitement maîtrisée, digne des meilleurs praticiens parisiens. Dutilleux abandonnera son imprimerie pour vivre pleinement sa vie d'artiste à Paris quelques années plus tard (1860) et rejoindre la colonie de Barbizon. Autour de lui gravitait un groupe d'élèves et d'amis : Alfred Robaut (1830 – 1909), son neveu, bientôt son gendre, avait une entreprise de lithographie à Douai et deviendra le premier biographe de Corot dont il fera aussi le catalogue de l'œuvre ; Charles Desavary (1837 - 1885) son second gendre, reprendra l'imprimerie familiale, photographe et peintre, il initiera le maître à l'art du cliché-verre, il photographiera les toiles conservées dans l'atelier parisien ; Paul Bellon (1844 – 1928), fils d'un négociant peintre lui aussi etc. Ces noms ne diront pas grand chose aux curieux qui ne sont pas familiers des musées du Nord. Cependant c'est toute une école locale de peinture qui gravite autour du maître et se hausse à un niveau de qualité étonnant.

 

11-corot_moulin de saint nicolas les arras  musee orsay - copie

Ces artistes arpentaient la campagne, lourdement chargés de leur matériel ; arrivés sur place, ils plantaient leurs chevalets côte à côte devant le motif ; ils se mettaient à l'œuvre, discutaient, comparaient leur travail voire échangeaient des conseils ; c'était à la fois stimulant et amical. L'exposition présente trois paysages exécutés le même jour dans ces conditions. Il s'agit du Moulin de Saint-Nicolas-lez-Arras peint par Corot, Desavary et Paul Bellon, depuis la propriété du père de ce dernier en juillet 1874. On remarquera que les élèves pratiquaient une peinture plus claire que le maître, plus lumineuse, surtout Paul Bellon, manifestement ils étaient plus en phase avec leur époque, celle des Impressionnistes. Au fond Corot faisait du Corot, même si sa composition est peut-être plus solidement charpentée que celles de ses disciples. Pour lui le temps des innovations était passé. Il mourra l'année suivante.

 

10-corot_le chemin-collection particulire  drCorot était un homme modeste, qui acceptait aisément conseils et suggestions. Ne modifia-t-il pas Site d'Italie, le bain du berger, que l'état avait acheté en 1848 et déposé au musée de Douai, sur les conseils d'un amateur le docteur Escallier? Il était coutumier du fait. Heureu-sement Célestin Lepollart, un de ces disciples, avait fait une copie de la première composition, ce qui rend possible la comparaison aujourd'hui : au fond le bon docteur avait raison, la toile est mieux structurée avec ses frondaisons plus épaisses. Bien entendu, il arrivait au maître d'améliorer les tableaux de ses élèves, de quelques coups de brosses ; il alla parfois jusqu'à y apposer se signature. Corot était assez désinvolte sur ce sujet et les anecdotes abondent qui ne facilitent pas le travail de l'expert aujourd'hui.

 

La dernière section de l'exposition est peut-être la plus intéressante car elle est consacrée à un pan de la production de Corot peu connue du grand public : les clichés-verre. En gros, une plaque de verre était recouverte d'un épaisse couche de vernis sur laquelle le dessinateur gravait à l'aide d'une pointe une composition. Il ne restait plus qu'à tirer les épreuves sur un papier sensible. Cela tenait à la fois de la gravure et de la photo. Si l'on ne peut affirmer que c'est en France que le procédé a été inventé, c'est du moins Cuvillier, Grandguillaume et Dutilleux qui, en mirent au point le procédé dans notre pays. Corot va lui donner ses lettres de noblesse. Ici une trentaine de pièces, ce qui est beaucoup, sont exposées. Comment ne pas penser à Rembrandt et son paysage aux Trois Arbres devant des clichés tels que Le Bois de l'ermite, Le Bouquet de Belle Forière ?

 

 

Gilles Coyne

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Corot - Le Beffroi de Douai, 1871, Musée du Louvre © RMN / Grand Palais / Stéphane Maréchal

Corot - Chateau de Wagnonville © Musée de la Chartreuse Douai

Corot - Moulin de Saint-Nicolas les Arras © RMN, Musée d'Orsay

Corot - Le Chemin, collection particulière © droits réservés

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Corot, dans la lumière du Nord

Du 21 février au 21 mai 2014

Musée des Beaux-Arts

1, rue de Verdun 11000 Carcassone (entrée square Ganbetta)

Téléphone : 04 68 77 73 70

Fax : 04 68 77 73 89

- Internet : www.carcassonne.fr/carcassonne.nsf.fr/...

- Mail : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

- Horaires et tarifs : musée et expostion, entrée libre ; du mardiau samedi inclus de 10h à 12h et de 14h à 17h, fermé les dimanches et lundi. Ouverture le 1r dimanche du mois de 14h30 à 17h30.

- Publication : Catalogue sous la direction de Marie-Paule Botte. - 2013, Silvana Editoriale / Musée de la Chartreuse / Musée des Beaux-Arts de Carcassonne, 287p., 35€.

- Animations culturelles : visites à thèmes, atelier ; conférence le 19 mars Corot et le Nord.