Expositions

 

 

 

 

Nicolas de Staël, La figure à nu (1951-1956)

 

 

 

 

Abstraction? Figuration? À cette alternative qui agitait les artistes français au lendemain de la seconde guerre mondiale, Nicolas de Staël (1913-1955) répondait « Peinture ». Le musée Picasso à Antibes propose une exposition sur de Staël à l'occasion du centenaire de sa naissance à St-Pétersbourg. Ce dernier volet d'un triptyque consacré au maître qui se suicida à quelques dizaines de mètres de là en se jetant de la terrasse de son ultime demeure, traite le problème du nu qu'il aborda dans sa période finale. La beauté du lieu, une ancien château des Grimaldi, le rassemblement de quelques chefs-d'œuvre font de cette manifestation une des plus intéressantes et des plus passionnantes d'un été azuréen, par ailleurs si riche. Quinze peintures et plus de cinquante dessins déclinent ce thème unique : Le Nu.

 

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La parcours commence par l'immense salle seigneuriale qui s'élève sur deux étages et garde encore quelques témoins de son ancien décor. Deux de ses œuvres majeures, par leur taille comme par leur importance dominent la pièce : au Parc des Princes, s'oppose de l'autre côté le Concert, toile inachevée à laquelle il travaillait la veille de sa mort. Deux toiles, deux manières différentes, deux témoins majeurs de son évolution. La première (2 sur 3,50 mètres) aboutissement d'une série commencée dans la nuit du 26 mars 1952 alors qu'il était sous le choc du spectacle d'un match de football au Parc des Prince. Enthousiasmé par le déferlement de couleurs et d'énergie, il peint une série de petites toiles qui débouchent sur trois immenses composition aux dimensions de peintures murale. Il travaille à la truelle, - il utilisa une plaque de tôle car il n'existait pas de spatule assez grande à ses yeux – un véritable mur de larges plages de couleurs posées de façon géométrique où il pétrifie ses émotions, les gesticulations des joueurs en une composition à la fois dynamique et solide ; le Concert (3,50 sur 6 mètres) - est-il si inachevé que cela? - tout en fluidité sous un vaste fond rouge intense est en fait une fabuleuse nature morte d'instruments de musique : les formes se répondent en une harmonie de lignes et de couleurs d'une grande subtilité, du violoncelle à droite au piano de concert à gauche, en passant par les violons. Le tout sur une immense plage au fond de couleur rouge.

Le nu, un thème pictural classique s'il en fut, n'a pas toujours été absent de l'œuvre du peintre mais il s'impose à la fin de sa vie parallèlement avec la liaison qu'il entretient avec une jeune femme mariée - liaison qui finira très mal et le laissa désespéré. L'image ressurgit, de façon impulsive, au milieu de la fiévreuse activité créatrice qui marque ces deux dernières années. Elle devient un élément structurant d'une évolution esthétique qui surprend tout le monde : un retour à la figuration, une figuration lyrique très colorée et surtout synthétique, qui rencontre l'accueil enthousiasmé du public, essentiellement américain. Mais à quoi bon ce surgissement si ce que l'on recherche se dérobe?

 

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L'élégance des dessins est incomparable. On songe aux plus grands graphistes de l'art français : Ingres, Rodin, Picasso. Il varie les médiums : le crayon, l'estompe, l'encre de Chine que ce soit à la plume ou au pinceau. Mais il ne s'agit pas de représentations illusionnistes avec modelé et ombres, plutôt des tentatives de saisir l'essence du nu, d'en faire surgir la force en une démarche quasi platonicienne. Démarche exigeante qui le désespère : « … j'ai commencé plusieurs nus dans les nuages et je me sens perdu tant pour les nus que pour les nuages. » Les dessins au trait sont peut-être les plus intéressants. D'une ligne pleine d'autorité il trace un contour qui peut être celui d'une figure entière, ou d'un fragment. Il laisse parfois la ligne en suspens laissant à l'amateur le soin d'achever telle cette tête, ce cou, cette épaule dont ne verra ni le regard ni le nez. Un dessin support de rêve? d'autres fois il brosse à l'encre de chine des formes anguleuses - voir la vigoureuse étude acquise par le Centre Pompidou. On remarquera l'étonnante maîtrise dont il fait preuve dans l'équilibre entre les vides et les formes, comme la feuille de très grandes dimensions qui appartient à la famille de l'artiste : elle mesure deux mètres dix sur un mètre cinquante, on notera l'audace du vide en haut de la composition. L'infini variété des attitudes, décrites, suggérées, dénote une recherche inlassable, une insatisfaction permanente.

Le Nu couché bleu domine de très loin les peintures : on retrouve dans l'a-réalisme des couleurs - le fond rouge, le corps bleu, le blanc de la couche -, comme dans la stylisation extrême de la figure, l'économie de moyens de ses œuvres graphiques. Chant du corps presque aboli? Chant de la peinture? Chant tout court. On mesure le chemin parcouru depuis le Portrait d'Anne datant de 1953 ou le personnage de papiers déchirés, deux œuvres où se lisent les souvenirs de son ancienne manière. Il a abandonné la matière solide pour pour une peinture fluide aux couleurs lumineuses. Par ailleurs, il brosse rapidement à coups de pinceau hâtifs une série de petit nus étendus. Études? Certes, mais qui ont l'autorité de compositions plus grandes.

 

Gilles Coyne

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

- étude de nu, 1952-1953, encre de Chine sur papier, 41,3 sur 53,7 cm., Paris, Centre Pompidou, Musée national d'art moderne / Centre de création industrielle. © Centre Pompidou, MNAM-CCI dist. RMN Grand Palais / Georges Meguerditchian, service de Presse Musée Picasso Antibes © Adagp, Paris 2014

- Nu Couché bleu, 1955, huile sur toile, 114 sur 162 cm., collection particulière, © image-art, Claude Germain, © Adagp, Paris, 2014

 

 

 

 

 

 

 

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Staël, la figure à nu

1951 – 1955

Jusqu'au 7 septembre 2014

Musée Picasso, Antibes

Château Grimaldi, 06600 Antibes

Tél. : 0492905420

Fax : 0492905421

Horaires et tarifs : tous les jours sauf le lundi de 10h à 18h, le mercredi et le vendredi, jusqu'à 20h. Tarifs, 6 et 3 €.

Publication : Staël, le figure à nu, 1951 – 1955. - 2014, Paris/Antibes, éd. Hazan / Commune d'Antibes, musée Picasso, 128p., 24€.