Expositions

 

 

Mme Vigée-Le Brun au Grand Palais

 

 

 

 

Vige4On a dit de Vivaldi qu'il fut l'auteur non pas de six cents concertos mais celui de six cents fois le même concerto, on pourrait affirmer, non sans quelque injustice mais avec un fond de vrai, que madame Vigée-Le Brun a peint non pas huit cents portraits féminins, mais huit cent fois le même portrait. C'est que la dame qui passe pour avoir exécuté quelques unes des plus belles icônes féminines n'avait pas son pareil pour flatter son public sans pour cela renoncer à la ressemblance : adoucir un ovale, projeter l'ombre miséricordieuse d'un chapeau sur un front pas tout à fait pur, rectifier discrètement un nez plus aristocratique que mutin, gonfler une chevelure ; et aussi froisser avec élégance une faille, chiffonner une chemise, frisoter un ruban, ou accorder des couleurs aussi éclatantes que subtiles... Il se dégage de cette foule féminine systématiquement séduisante comme une impression de monotonie. Paradoxalement, quand on arpente les salles du grand Palais on se prend à penser que l'artiste est bien plus intéressante quand elle se mesure au monde masculin : ah l'effigie de son mentor et ami Hubert Robert d'une présence étonnante ! Celle de l'ambassadeur de Mysore monumentale apparition ou celle du charmant prince Bariatinski ! Trois exemples parmi tant d'autres.

 

Devant tant de savoir-faire, les succès vint qui ne se démentit jamais tout au long d'une carrière s'étalant sur plus de quatre-vingts ans. Toujours aussi prolifique, toujours aussi talentueuse, toujours aussi imperturbablement fidèle à l'esthétique de sa grande période, celle qui précède la Révolution... Impossible de ne pas succomber à tant de charme. Cela dit, les espaces solennels du Grand Palais sont-ils les mieux à même de mettre en valeur un art dont la qualité principale était de plaire avant toute chose ? Hormis les grands portraits de Marie-Antoinette qui assurèrent sa gloire et trouvent ici des volumes qui les mettent en valeur, force est de constater que le parcours du rez-de-chaussée écrase un peu une production faite plus pour le salon, voire le boudoir, que pour une galerie aux proportions imposantes.

 

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Élisabeth Louise Vigée est née à Paris en 1755, dans une famille d'artistes d'un rang modeste, elle s'est éteinte dans la même ville en 1842. Elle a donc traversé pratiquement un siècle et a connu l'ancien régime, la Révolution (de loin, elle vécut douze ans hors de France), l'Empire, la Restauration enfin la monarchie de juillet. Inlassablement elle a peint cette société en mutation, principalement son côté féminin dont elle a donné quelques images emblématiques. Elle fut la portraitiste préférée de Marie-Antoinette qu'elle a représentée en majesté en robe à la française, toile destinée à la mère de la reine, l'impératrice Marie-Thérèse d'Autriche, et le fameux portrait avec les enfants de France commandé pour redorer le blason d'une princesse décriée, elle a aussi délivré quelques images plus intimes de la femme.

 

Vige2Son mariage à vingt ans avec le peintre son aîné de sept ans, marchand de tableaux, collectionneur et expert Jean-Baptiste Pierre Le Brun, la fait entrer dans le monde du tout Paris. Le couple mène grand train dans le bel hôtel qu'il s'était fait construire rue de Cléry. Le bâtiment servait à la fois de galerie d'exposition pour les ventes aux enchères du mari et de résidence. Mme Vigée-Le Brun était une des femmes les plus ravissantes de le ville, les témoignages sont unanimes à ce sujet. Le talent, la beauté, elle ne manquait pas d'admirateurs et ne leur fut pas toujours cruelle. D'ailleurs le ménage, suivant en cela la morale aristocratique de l'époque, menait chacun de son côté sa vie personnelle et, en dépit de ce qu'elle affirma dans ces mémoires, semble bien s'être entendu sur les questions d'intérêt. L'acmé de ces mondanités fut le fameux « souper grec » qu'elle improvisa un beau soir de 1788 en empruntant à son voisin le comte de Parois des vases grecs (on disait étrusques à l'époque) et en utilisant les draperies de son atelier. La Ville et la cour en bruissèrent.

 

Cela dit, en plus d'une femme d'affaire avisée elle était une travailleuse acharnée, elle interroge les grands ancêtres à qui elle emprunte telle attitude, tel procédé : les grands chapeaux à plumes dont elle s'affuble ainsi que ses modèles ont été emprunté à Rubens qu'elle connaît bien grâce à un voyage dans les Pays Bas en compagnie de son mari. Mais son esthétique faite d'un retour à la simplicité était bien celle de son époque et elle n'en variera pas. L'art de Mme Vigée-Le Brun appartient bien à la sphère du néo-classicisme, un néoclassicisme aimable comme celui d'une Angelika Kauffmann qu'elle admirait ou d'une Labille-Guiart sa concurrente détestée, cette dernière infiniment plus probe, dont l'auto portrait en pied avec deux élèves est venu de New-York. C'est d'ailleurs un des événements de l'exposition qui ravira les connaisseurs. Il faut voir dans cette simplicité plus un effet de mode que celui d'un retour à la vertu également dans l'air du temps : s'il faut chercher l'influence de Jean-Jacques Rousseau dans le double portrait d'elle étreignant sa fille, on peut regretter cependant le sentimentalisme un peu mièvre de cette toile célèbre.

 

Madame Vigée-Le Brun a émigré très tôt dès octobre 1789. Elle le fit plus par crainte de représailles du fait de son intimité avec la reine que par conviction légitimiste. Émigrer est toujours un déchirement, certes, d'autant plus que les nouvelle tragiques vont se succéder qui s'ajoutent aux craintes quant à la sécurité des siens. Mais ce déchirement fut quand même adouci en retrouvant amis et relations à Rome, à Vienne et à Saint-Pétersbourg. Rome où l'accueillit l'ami Ménageot alors directeur de l'académie de France, à Saint-Pétersbourg ce fut son ancien professeur Doyen et bien entendu, les nobles émigrés qu'elle avait déjà peints. Elle fait partie de cette intelligentsia européenne qui se trouve à l'aise partout et elle œuvre aussi bien à Florence qu'à Berlin ou à Londres... Toutes villes où elle à séjourné des mois, parfois des années. Elle revient à Paris en 1802 dotée de confortables économies.

 

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Elle a rencontré de nombreux personnages influents, artistes, écrivains ; elle a séjourné dans beaucoup de pays, visité beaucoup de villes, s'est frottée à des civilisations très diverses, en a-t-elle appris quelque chose ? On peut se le demander. Elle a surtout fréquenté les salons et les lieux de sociabilité mais elle n'a rien vu des bouleversements de la société dans ce qu'ils avaient de novateurs et de porteurs d'avenir. Son hostilité envers la Révolution et surtout David et Bonaparte ses deux bêtes noires, ne se démentira jamais et elle restera une fervente légitimiste, ses héros ? Alexandre 1r le despote de Russie, le podagre Louis XVIII et le limité Charles X. N'est-ce pas un peu dérisoire ?

 

En définitive, elle a peint son époque, mais elle est passé à côté.

 

Gilles Coyne

 

 

 

 

 

 

- Portrait de l'artiste avec sa fille dite « La Tendresse maternelle », 1786, huile sur panneau de boisMusée du Louvre © RMN-Grand Palais / Franck Raux

- Hubert Robert, 1786, huile sur panneau de bois, Musée du Louvre © RMN-Grand Palais / Jean-Gilles Berizzi

- Mohammed Dervich Khan, ambassadeur du sultan de Mysore, 1788, huile sur toile, coll. particulière © collection privée

- Portrait de Gabrielle Yolande Martine de Polastron, duchesse de Polignac, 1782, huile sur toile, Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, © RMN-Grand Palais / Gérard Blot

 

 

 

 

Elisabeth Louise Vigée-Le Brun (1755-1842)

23 septembre 2015 – 11 janvier 2016

Grand Palais

- Téléphone : 01 44 13 17 17

- Internet : www.grandpalais.fr

- Horaires et tarifs : tous les jours de 10h à 20h, nocturne le mercredi jusqu'à 22h, fermé le mardi. Fermeture le 25 décembre et à 18h les jeudi 24 et 31 décembre. Nuit blanche le 3 octobre, gratuit de 20h à 24h. 13€, tarif réduit 9€ (16-25 ans, demandeurs d'emploi, famille nombreuse). Tarif tribu 4 personne dont 2 jeunes 35€, gratuit pour les moins de 16 ans, bénéficiaires du RSA et du minimum vieillesse.

- Publications : Catalogue, sous la direction de Joseph Baillio et Xavier Salmon.- 2015, RMN, 432p., 50€ ; Album de l'exposition par Xavier Salmon et Geneviève Haroche, 48p., 40 ill., 10€ ; Elisabeth Louise Vigée Le Brun, l'expo, 320p., 18,5€ ; Geneviève Haroche-Bouzinac.- Elisabeth Le Brun, découvertes Gallimard, 48p. 40 ill., 8,9€ ; Cécile Berly Louise Elisabeth Vigée Le Brun, Peindre et écrire Marie-Antoinette et son temps, ed. Artlys, 208p., 70 ill., 25€.

Arnaud Xainte, réalisateur et Jean Frederic Thibault, auteur : La fabuleux destin d'Elisabeth Louise Vigée Le Brun, peintre de Maris-Antoinette. DVD vidéo, film couleurs, 2x52mn. RMN Grand Palais / Arte, 20€.

- Animations culturelles : visites guidées, ateliers pour grands et petits, consulter le site. Projections de films, concerts, documentaires...