Expositions

 

 

Les routes de L'Afrique

 

 

 

L'Afrique est réputée ne pas avoir d'histoire avant que d'autres peuples utilisant l'écriture n'aient donné quelques repères temporels. Rien n'est plus faux bien entendu et le continent où est née l'espèce humaine est le produit d'une riche tradition historique. Un exposition du musée du quai Branly vient rappeler ces faits. Pour cela les organisateurs ont pris le biais des routes qu'ont empruntées marchands, conquérants, peuplades à le recherche d'une terre, aventuriers et missionnaires, ce pendant des millénaires. Certes, longtemps, jusqu'à la fin du XVe siècle, ne furent connus des Européens que la partie nord du continent, les côtes de la mer rouge et le Nord des rives vers le Pacifique, mais cette ignorance ne concernait que l'Europe, les marchands d'autres civilisations, depuis de la plus haute antiquité – depuis l'Égypte pré-dynastique en fait - sillonnaient les routes du continent noir et en connaissaient les tours et les détours.

 

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Rien de plus faux aussi que l'image, véhiculée par toute une littérature populaire, de petites communautés humaines repliées sur elle-même au fond d'une forêt impénétrable. Au contraire le continent n'a cessé d'être arpenté en tous sens : par les piétons, on l'a oublié aujourd'hui mais pendant des siècles et même chez nous la marche fut un moyen de déplacement courant sur des distances considérables, le portage qui a donné lieu à tant d'abus pendant l'époque coloniale est lui aussi vieux comme le monde ; par les cavaliers ensuite, même si le cheval domestiqué depuis 3.500 av. notre ère n'était utilisé que par une infime partie de la population, les charrois eux-mêmes n'étaient pas inconnus - le copie d'une fresque du Tassili témoigne de l'ancienneté de ce moyen de locomotion, utilisé par l'élite politique et guerrière - ; enfin, par les longues caravanes de chameaux sillonnant le continent. Paradoxalement cet animal si commun à l'époque historique fut le dernier à paraître n'ayant été domestiqué qu'à partir du Ve siècle avant J. C. Enfin n'oublions pas les transports fluviaux sur les pirogues ou maritimes sur des navires adaptés à la houle. La tradition ne rapporte-t-elle pas que Aboubakar II souverain du Mali (Début du XIVe siècle) aurait organisé deux explorations maritimes sur l'océan Atlantique, précédant d'un siècle l'irrésistible expansion des Portugais ? Une petite sélection d'antiques - bronzes, vases, statuettes, égyptiennes comme gréco-romaines -, de maquettes de navires et de pirogues, de selles magnifiquement ornées (on doute qu'elles aient servi à des marchands) illustrent le début du parcours. On remarquera la fresque pompéienne, un peu parodique, représentant des pygmées chassant hippopotames et crocodiles, signe que le monde africain, connu de longue date inspirait l'imaginaire des Romains.

 

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Par routes, les organisateurs entendent bien entendu les chemins bien réels qui ont quadrillé et quadrillent encore l'Afrique - supports du commerce, des armées comme des peuples - mais aussi les flux immatériels que sont la culture, la religion, l'art. Ces routes ne conduisaient pas seulement à l'Occident comme on aurait un peu trop tendance à le croire ici, mais au Moyen-Orient, à l'Asie, à l'Océanie. Et ce n'est pas l'un des moindres mérites de cette exposition que montrer que le continent noir se trouvait aux carrefour de multiples courants.

 

Afrique4Qui dit route dit destination, grandes villes, emporia, relais d'étapes, capitales d'empires, l'Afrique en compta de nombreuses, depuis la plus haute antiquité : Si nous connaissons bien Carthage et Lepcis Magna en Libye qui relèvent de notre histoire, on connaît moins les grandes métropoles du continent, la mystérieuse forteresse de Zimbabwe, les villes fortifiées comme Sao (XIIe XIVe s.) ou la capitale Bénin, plus grande, plus peuplée et mieux tenue que Lisbonne quand les Portugais la découvrirent à la fin du XVe siècle, et aussi Tombouctou la mystérieuse, Zanzibar. Quelques objets, quelques dessins, quelques gravures gardent le souvenirs de ces cités qui firent souvent rêver car pleines de mystères. Il ne reste souvent plus grand chose de ces lieux naguère fameux, souvent construits en matériaux périssables que le vent de l'histoire les a balayés.

 

Afrique3L'or, l'ivoire, les esclaves, les bois précieux, les parfums, les épices, dès les débuts, ceux de l'Egypte pré-pharaonique, ces produits étaient les plus appréciés, tandis que les Africains recherchaient plutôt le sel – ce dernier trafic a perduré jusqu'à nos jours -, les métaux – le cuivre surtout – les végétaux... On remarquera les oliphants d'ivoire et la magnifique salière du XVIe siècle. Dans ce dernier cas, nous sommes en présence d'un objet fabriqué par des artistes noirs pour des clients européens et non plus d'une simple matière première travaillée ailleurs comme c'est le cas pour les instruments de musique ou les boîtes et coffrets exposés ici. Plus étonnante encore est la salle consacrée aux interférences religieuses : si les trois monothéismes sont installés dans le continent depuis des siècles – rappelons que l'Éthiopie était un royaume chrétien depuis les origines du christianisme la présence de l'Islam étant elle aussi séculaire -, de nombreux cultes se sont développés métissant l'animisme, les cultes extrême-orientaux aux monothéismes. Cela donne des objets étonnants comme ce masque Sibondel de Guinée représentant le cheval ailé al-Buraq, il ressemble à un castelet de marionnettes d'un peuple distant de plus de mille kilomètres, ou encore cette statue afro-orientale mi bouddha mi totem.

 

Dans le registre des routes culturelles, la série de poteaux funéraires témoigne du brassage des cultures entre l'Asie et le continent noir. Ces monuments érigés sur la tombe d'un personnage étaient destinés à faciliter le passage du défunt vers le statut d'ancêtre. Leur origine est à rechercher en Indonésie ou au Viet-Nam, via l'Inde et Madagascar, à une époque ancienne, située vers le VIIIe siècle. Plus récente (1914), la tête cubiste du sculpteur hongrois Joseph Csaky, placée en face d'un masque, symbolise le rôle qu'ont joué les artéfacts africains dans l'émergence de l'art contemporain. C'est une histoire bien connue qui trouve son épilogue aujourd'hui, en une sorte de retour à l'envoyeur, avec l'émergence aujourd'hui d'une scène africaine extrêmement vivace et inventive. C'est sur cette dernière séquence assez stimulante où un choix d'artistes africains fait preuve d'une étonnante inventivité que l'exposition s'achève.

 

Gilles Coÿne

 

 

 

 

 

- Scène nilotique, fresque, Pompéi, casa del medico © Museo archeologico, Naples, cliché Giorgio Albano

- Vue de la seconde salle de l'exposition, © Musée du quai Branly - Jacques Chirac,  photo Gauthier Deblonde

- Salière en ivoire sculpté, royaume du Bénin, XVIe siècle © musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Claude Germain

- Vue de la salle des routes religieuses, © musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Gauthier Deblonde

 

 

 

 

 

 

 

 

L'Afrique des routes

31 janvier – 12 novembre 2017

Mezznine Ouest

Musée du quai Branly – Jacques Chirac

37, quai Branly, 75007 Paris

- Tél. : 01 56 61 70 00

- Site web : www.quaibranly.fr

- Horaires et tarifs : Tous les jours sauf le lundi, mardi, mercredi et dimanche de 11h à 19h, jeudi, vendredi et samedi de 11h à 21h00. Tarif, 10€ et 7€, accès avec le ticket du musée.

- Publication : Catalogue, L'Afrique des routes. Histoire de la circulation des hommes, des richesses et des idées à travers le continent africain. - 2017, ceédition du Musée du quai Branly – Jacques Chirac / Actes Sud, 256p., 37,90 €.

- Animation culturelle : colloques, visites guidées pour petits et grands, consulter le site du musée.