Expositions

 

 

 

 

L'âge d'or de la peinture anglaise

De Reynolds à Turner, chefs-d'oeuvres de la Tate Britain

 

 

 

Les amateurs de peinture pure seront comblés par l'exposition que propose le musée du Luxembourg consacrée aux soixante années qui virent l'essor et l'apogée de l'art anglais. C'est à dire le temps du long règne de George III (1760-1820), le moment où, en dépit de la perte des colonies américaines, l'Angleterre devient une puissance de premier rang qui domine le continent après la victoire sur Napoléon. Tableaux, gravures, dessins et aquarelles décrivent ce moment de grâce. La sélection, malheureusement assez déséquilibrée de par la prépondérance écrasante du portrait sur les autres disciplines rend cependant bien compte de la diversité et de la richesse de la création britannique de ce temps ; elle intéressera le Parisien qui en ce domaine n'est guère gâté. Elle vient de la Tate Gallery à Londres, musée consacré à l'art national ce qui explique peut-être ce relatif déséquilibre dû au fait que l'on a puisé dans une seule collection, certes prestigieuse mais qui par nature ne saurait tout conserver.

 

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En l'absence d'un mécénat royal, - George III un souverain estimable, pieux, moral qui finit par sombrer dans la folie s'intéressait peu aux questions esthétiques -, la gentry et la haute bourgeoisie dictent leur goût. Cette élite intellectuelle et artistique, très au fait de l'histoire et de la création européennes qu'elle collectionne, pousse à l'élaboration d'un art national et la fondation de la Royal Academy of Arts en 1768 sera l'outil de cette ambition. Une peinture aristocratique donc avec ses qualités mais aussi ses limites : l'art du portrait domine mais d'une manière originale. Une facture parfaite, une grande élégance, un raffinement de la couleur sans égal à l'époque sur le continent, une certaine désinvolture dans la facture... Ajoutons à cela un sens de la nature aigüe, un goût confirmé pour la vie au grand air, la campagne. Ces personnages, volontiers nonchalants, se font portraiturer sous les frondaisons de leur parcs peintes avec une grande liberté de touche – le visiteur sent presque la fraîcheur des sous-bois dans lesquels ces dames vêtues de soies légères et de mousselines aux couleurs pastel méditent, lisent, voire jouent avec leur King Charles ou leur progéniture... Les grands portraits en pied qui accueillent le visiteur, sous couvert d'une confrontation entre les deux monstres sacrés de l'époque, Reynolds versus Gainsborough, témoignent de l'extrême distinction de cet art inégalable qui sait parer des apparences de la simplicité ce qui dans le fond n'est que simple vanité. Poussé à l'extrême, comme dans le double portrait du Colonel Acland et de Lord Sydney chassant à l'arc de dit Les Archersoù l'on voit les deux jeunes aristocrates sautant comme dans un ballet à la poursuite du gibier, le genre frôle le ridicule.

 

On préfèrera peut-être, les portraits en buste de personnages moins prestigieux et de moindres exigences, tels que la charmante Mrs Robert Trotter of Bush sous son grand chapeau à nœuds de George Romney qui nous regarde avec une coquetterie discrète ou encore Thomas Law Hodges par William Beechey se détachant sur un fond poudreux dans toute la fraîcheur de ses dix-huit ans, ou encore la mélancolie préromantique de Jane élisabeth comtesse d'Oxford. Ces effigies, saisies avec une simplicité recherchée, disent une société, riche, cultivée, celle de Jane Austin, qui mettait au-dessus de tout l'amour de la nature, la culture, le bon ton, les convenances et, bien entendu, l'argent.

 

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Ces artistes excellent aussi dans la représentation des enfants. Le mouvement est général en Europe, Une mode due en grande partie à Jean-Jacques Rousseau. L'enfant commence à être regardé comme une individualité à part entière avec ses besoins et non comme un petit animal qu'il fallait dresser. Les images les montrant dans leurs distractions turbulentes ont plus de naturel que les bambins peints en ce moment-là en France par exemple. On retiendra Miss Crew,une petite fille déguisée en marchande de fraise parée pour une party costumée. Charmante avec son sourire timide ses grands yeux ouverts sur l'avenir... d'autant plus émouvante qu'elle devait mourir quelques mois plus tard.

 

Les Conversations Pieces, une des originalités de l'art anglais, réunissant quelques personnages dans le même tableau, ne sont représentées ici que par deux exemplaires dont l'un a été peint en Inde par l'Allemand Johan Zoffany : Le Colonel Blair et sa familleles décrit écoutant la fille aînée jouant du pianoforte, à l'extrême droite une petite servante indienne tenant dans ses bras le chat de la famille est le seul témoin exotique localisant la scène. Le tableau témoigne d'une autre originalité de la peinture anglaise la représentation des contrées lointaines en ces temps où l'empire britannique étend son emprise sur le monde et que les artistes visitent assidûment.

 

L'Angleterre du l'époque, à la différence du continent où les académies se multiplient et prennent en charge l'enseignement suivant un cursus soigneusement balisé permet à nombre d'artistes évoluant en dehors des cercles officiels de connaitre un grand succès, en province particulièrement. George Romney est le plus célèbre de ces quasi autodidactes qui pratiquement inculte deviendra l'un des portraitistes les plus couru d'une génération...

 

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Les dernières salles consacrées au paysage, aux représentations animales, à la peinture d'histoire qu'elle soit d'inspiration biblique ou littéraire, n'ont pas la richesse et l'abondance des salles de portraits. Tout y est certes mais de façon sommaire et on peut le regretter. Mention doit être faite au médium préféré des artistes anglais qui le porteront à une quasi perfection : l'aquarelle, une technique souple, rapide, colorée, facilitant la spontanéité. Turner en est le maître incontesté présent ici mais on s'attardera plutôt devant le monumental paysage représentant Le Lac d'Albano et Castel Gandolfode John Robert Cozens où l'artiste a su rendre l'atmosphère poudreuse et dorée d'une fin d'après-midi italien. Paysage un peu trop construit comme un décor de théâtre mais si séduisant.

 

L'exposition se termine sur un grand tableau de John Martin La Destruction de Pompéi et d'Herculanum. Le spécialiste des événements apocalyptiques marie le feu, les nuées sanglantes, la terre convulsée en une vaste spirale engloutissant cette misérable écume qu'est l'engeance humaine... Bel exemple de « Sublime » autre spécialité de l'art anglais, belle conclusion.

Gilles Coÿne

 

 

 

 

 

Thomas Gainsborough : Lady Bate-Dudley, vers 1767, huile sur toile, Tate : collection particulière, en dépot à la Tate Britain depuis 1898 © Tate, London 2019 

Joshua Reynolds : Miss Crewe, vers 1775, Huile sur toile, Tate : collection particulière en dépot à la Tate Britain depuis 2009 © Tate, London, 2019

John Martin : La Destruction de Pompéi et d'Herculanum, 1822, huile sur toile, Tate, acheté en 1869, Tate, London, 2019

 

 

 

 

 

 

 

L'âge d'or de la peinture anglaise.

De Reynolds à Turner, chefs-d'œuvres de la Tate Britain

11septembre 2019 – 16 février 2020

Musée du Luxembourg

19, rue Vaugirard, 75006 Paris

- Tél. : 01 40 13 62 00

- Net :https://museeduluxembourg.fr

- Horaires et tarifs : tous les jours de 10h30 à 19h, nocturene le lundi jusqu'à 22h, les 24 et 31 décembre fermeture à 18h. Tarifs, 13€ et 9€, gratuit pour les moins de 16 ans et pour les bénéficiaires des minimas sociaux, tarif réduit pour les jeunes 16-25 ans, et pour deux personnes à partir de 16h du lundi au vendredi.

- Publications :Catalogue, éditions RMN, 2019, 224p., 150 illustrations, 39€ ; Hélène Ibata, Journal de l'exposition, éditions de la RMN, 2019, 24 p., 32 illustrations, 6€ ; Amandine Rabier, Carnet d'expo, Gallimard/RMN, 2019, 48p., 40 illustrations, 9,20€.

- Programmation culturelle : Conférences, événements, visites guidées, ateliers, visites interactives, consulter le site.