Expositions

 

 

 

Edelfelt (1851 – 1905)

                         Lumières de Finlande

 

 

 

 

 

 

C'est un tableau très connu, on l'oublie, mais quand on le revoit il a quelque chose de familier et on en reconnaît le sujet sans qu'il soit besoin d'en lire le titre : Le Portrait de Louis Pasteur dans son laboratoire, au milieu d'éprouvettes, de flacons, de ballons de verre, en train de scruter le contenu d'un récipient – il travaille alors à l'élaboration du vaccin contre la rage - est une icône de notre roman national. Il symbolise à lui seul une époque, celle où la Science, avec un grand S, était perçue comme le bien absolu, le moyen pour l'humanité de s'abstraire de ses malédictions millénaires, une époque d'optimisme, de croyance en un progrès infini. Cette toile brossée en 1885 et exposée au salon de 1886, est due à un peintre finlandais de la seconde moitié du XIXe siècle, que le musée du Petit Palais à Paris nous propose de découvrir : Albert Edelfelt. La peinture souleva l'enthousiasme de la critique, l'état l'acheta et décora l'artiste de la légion d'Honneur. Elle est conservée aujourd'hui par le musée d'Orsay.

 

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Albert Edelfelt est né en 1854 au manoir de Kiiala dans la région de Parvoo au Sud de la Finlande, un pays de mer et d'îles à l'histoire ancienne, une région riche en églises gothiques et en sites historiques. Il est le fils d'un architecte d'origine suédoise et d'une mère issue d'un milieu commerçant aisé. La famille s'installe à Helsinki en 1866 où le jeune Albert put recevoir une première formation artistique qu'il complètera à l'Académie royale des Beaux-Arts d'Anvers grâce à une bourse de l'état ; à Paris en 1874, il entre dans l'atelier de Gérôme un des maîtres les plus réputés, un des enseignants les plus exigeants. Pendant plus de vingt ans la ville deviendra son lieu de résidence principal bien qu'il partage son temps entre la capitale et son pays natal où il revient chaque été.

 

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Paris, la Finlande, telles seront les sources principales de son inspiration. Paris est alors le centre de l'art incontesté. Ici s'élaborent les modes de demain, se rencontrent les artistes de tous les pays. Edelfelt y nouera des amitiés fécondes que ce soient les artistes nordiques comme lui attirés par la scène artistique (il faut bien le dire aussi, par le marché) ou les Français, Bastien-Lepage qui l'initia au pleinairisme ou Dagnan-Bouveret qui était de sa génération.  Il n'aimait guère les Impressionnistes à qui il reprochait leur usage excessif de la couleur : «.. leurs ciels clairs bleu de Prusse et outremer, leurs paysages jaunes et vert pomme et leur ombres violettes tuent toutes les peintures honorables et décentes accrochées à leur côté. » Mais malgré tout il fut sensible à leur leçon de lumière, en témoigne une toile charmante en dépit de ses dimensions respectables : « Au jardin du Luxembourg » (1887) est un tableau clair où il a su rendre un après-midi de printemps dans sa fraîcheur acidulée. Dans ce beau jardin que domine à l'arrière plan les lignes classiques du palais, les enfants jouent tandis que mères et nourrices, reconnaissables à leur uniforme, devisent. On admirera la façon habile dont les groupes sont disposés et les contraste entre les adultes vêtus de sombre et le blanc des enfants. Remarquer au premier à gauche la superbe nature morte que forme le parapluie sur la chaise enfoui dans les vêtements blancs.

 

À l'inverse de la gaité légère qui imprègne cette toile, Edelfelt sait se faire plus sobre et plus lyrique quand il peint les Simples de son pays natal. Un grand courant irrigue la peinture des pays entourant la mer baltique dont l'histoire fut si compliquée. L'art est pour ces sociétés un moyen d'affirmer leur identité autour de grands thèmes fondateurs qu'ils soient mythiques ou historiques. Edelfelt aimait le pays de son enfance qui, il y avait moins d'un siècle, avait alors acquis son autonomie. Certes il fit quelques toiles historiques, mais son intérêt s'est porté ailleurs : plutôt que d'illustrer les épopées et les mythes nordiques comme son compatriote et ami Gallen Kallela (voir l'exposition qui se tient au musée Jacquemart-André), il choisit de rendre la sobre beauté des paysages finnois et la dignité de son peuple, point d'exaltation, point de symbolisme, mais une réserve qui n'en est que plus parlante.

 

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« Le Convoi d'un enfant, Finlande » fut très remarque au salon de 1879, le tableau représente, dans une barque en gros plan et en contre-jour, six personnages conduisant un petit cercueil de bois peint en bleu vert. Le bateau glisse sur une mer d'huile (ou un lac?), tout est calme, pas de sentiment de désespoir, un digne recueillement, seul le léger volant de dentèle s'échappant de la boîte contre laquelle est appuyée une croix, dit la dernière attention d'une famille. Une lumière froide baigne la scène et souligne l'atmosphère de tristesse. Un art magnifique dans sa sobre discrétion. « Le service divin au bord de la mer, Finlande » (1881) a les mêmes qualités de retenue et de respect pour les protagonistes. Dans une lumière de fin d'après-midi, L'officiant, vêtu d'une longue robe noire dos à la mer, mains posées sur les livres saints fait face à l'assemblée des fidèles peu nombreuse disposée en arc de cercle ; il s'agit vraisemblablement de la population d'une petite île reculée. La peintre a su fixer leurs différentes attitudes : remarquer la jeune femme au premier plan abimée dans la prière, la retenue des hommes assis, remarquer aussi la disposition du groupe, les hommes d'un côté, les femmes de l'autre... Nous somme en Finlande, le grenier en ruine au second plan est typique de l'architecture vernaculaire. Une toile où souffle une religiosité protestante bien éloignée de celles que peignaient les artistes en Italie, en Russie ou en Bretagne nettement plus effervescentes. Cela a beaucoup plu, l'état a acheté le tableau qui se trouve lui aussi au musée d'Orsay.

 

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Edelfelt a laissé de nombreux portraits de ses contemporains – c'était le pain quotidien des artistes de l'époque. Il ne fait ni mieux ni pire qu'eux, c'était très codé et en dépit de ses dons évidents il a rarement su dépasser les lois du genre. Même les portraits des enfants du tsar Alexandre III, du Cecil Beaton avant la lettre, n'échappent pas à l'effet gravure de mode. Plus intéressantes sont les nombreuses effigies qu'il a laissées de son poche entourage, de sa famille - ses sœurs, sa mère, son épouse - de quelques amis où il se fait plus sobre, plus sincère. De cette production se détache une charmante pochade : son fils bébé tout rose, tout étonné de vivre, dans son landau, émergeant de la mousse blanche de l'oreiller, du drap et de la courtepointe immaculés.

 

Il n'a pas vécu la dramatique décennie qui a suivi sa mort en 1905 – il avait à peine plus de cinquante ans. La première guerre mondiale, la chute des Romanov, la prise de pouvoir des Soviets, la guerre d'indépendance pour la Finlande en 1917... Cela n'aurait pas manqué d'influencer et, peut-être, d'infléchir son inspiration. Lui qui, fervent patriote, avait été, profitant des bons rapports qu'il entretenait avec la famille du Tsar, l'un de ceux qui avaient obtenu que son pays ait son propre pavillon distinct de celui de la Russie, dans l'exposition universelle de Paris en 1900. L'impression d'inachèvement qui marque la dernière salle de l'exposition, vient peut-être de cela...

Gilles Coÿne

 

 

 

 

 

 

 

 

1 - Portrait de Louis Pasteur, 1886, huile sur toile. Musée d'Orsay, Paris © RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Martine Beck-Coppola

2 - Au jardin du Luxembourg, Finlande, 1887, huile sur toile. Helsinki, musée d'art de l'Atheneum, galerie nationale de Finlande, collection Antell. © Finish National Gallery / Hannu Pakarinen.

3- Le Convoi d'un enfant, 1879, huile sur toile. Helsinki, musée d'art de l'Atheneum, galerie nationale de Finlande, collection Antell. © Finish National Gallery / Hannu Pakarinen

4 - Service divin au bord de la mer, Finlande, 1881, huile sur toile. Musée d'Orsay, Paris © RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Stéphane Maréchalle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Albert Edelfelt (1854-1905)

Lumières de Finlande

10 mars au 10 juillet 2022

Musée du Petit Palais,

Avenue Winston Churchill, Paris, 75008

Tél. : 01 53 43 40 00

www.petitpalais.paris.fr

- Horaires et tarifs : 13€ et 11€, réservation d'un créneau conseillée sur le site ; du mardi au dimanche de 10h à 18h, nosturne le vendredi jusqu'à 21h.

- Publication : Catalogue, mars 2022, éditions Paris Musées, 224 p., 100 ill., 35€.

- Animation culturelle : Conférences, colloque, concert ; visites guidées : visites conférences, visites en famille à partir de 5 ans, personnes en situation de handicap intellectuel ou psychique, familles à partir de 7 ans, consulter le site du musée pour les dates et les tarifs.