Un regard, une image
le Mariage mystique de sainte Catherine de Lorenzo Lotto.
Lorenzo Lotto (Venise vers 1480-Lorette, 1556/7), un des plus grands peintres vénitiens du XVIe siècle était un personnage bizarre, dépressif et éternellement insatisfait. Sa carrière s'est pratiquement déroulée toute entière sur la terre ferme. Il est arrivé à Bergame en 1513 et y est resté jusqu'en 1525. Les années bergamesques sont parmi les plus heureuses et les plus fécondes.
Le Mariage mystique de Sainte Catherine date de 1523 et fut exécuté pour son logeur Niccolo Bonghi moyennant un an de loyer et une somme d'argent. Le commanditaire devait mourir peu de temps après et sa veuve donna le tableau à l'église San Michel al Pozzo Bianco à Bergame, église que le peintre avait ornée de fresques peu de temps auparavant. Le tableau fut mutilé par des soldats français au moment de la guerre entre François 1er et la République de Venise en 1527/8. Le grand rectangle gris qui surmonte le groupe de la Vierge, de l'enfant, de la sainte et de l'ange remplace un paysage encadré dans une fenêtre qui fut découpé alors.
L'ensemble est typique de l'art de Lotto : on remarque de suite les couleurs riches, éclatantes, le rouge somptueux de la robe de la Vierge, ses manches bouffantes jaune orangé, les manches terre de Sienne de sainte Catherine qui chantent au contact du beau vert de son manteau et du bleu de ses avant-bras... La composition mouvementée, en diagonale, un peu arbitraire, est centrée sur les deux obliques dynamiques que forment l'enfant et la tête de la jeune femme. On remarquera que les personnages, enfermés dans leur monde personnel ne se regardent pas. Le commanditaire et la vierge fixent le spectateur, le bambin se concentre sur la main de la martyre qui elle-même détourne le regard d'une manière rêveuse. On notera aussi les riches tapis orientaux qui drapent l'appui de la fenêtre. Lotto s'était fait le spécialiste de ces objets de grand luxe, il en possédait un lui-même, et au XIXe siècle on a même donné son nom à un type de tapis dits Lotto.
Lotto a peint la scène comme si elle se déroulait dans la maison de Niccolo Bonghi debout derrière la chaise luxueuse sur laquelle est assise la Vierge. Il fait entrer le spectateur, comme le commanditaire, dans une sorte de familiarité avec les personnages saints ; c'est typique de sa sensibilité, lui qui fut tenté un moment par la Réforme.
Gilles Coÿne
Le mariage mystique de sainte Catherine. © Academia Carrara
Botticelli, Bellini, Guardi...
Chefs-d'oeuvre de L'Accademia Carrara de Bergame
27 mars-19septembre 2010
Musée des Beaux-Arts de Caen
Le château, 14000 Caen
Tél. : 02 31 30 47 70
Internet : www.ville-caen.fr/mba
Publication : Catalogue, sous la direction de Patrick Ramade, 2010, éditions Hazan, 204 p., 90 illustrations, 39€