Un regard, Une Image
Carrier-Belleuse
La Comtesse de Castiglione en Reine d'étrurie (1864)
Plâtre patiné, h. 72 sur 30 sur 32 cm.
Cette statue est le souvenir d'un des nombreux scandales qui émaillèrent la carrière de la célèbre courtisane. On connaît sa liaison avec Napoléon III en service commandé par le roi de Sardaigne, Victor-Emmanuel pour décider Napoléon III à intervenir en Italie. En 1863 c'était déjà de l'histoire ancienne. On ne sait trop pour quelle raison l'impératrice Eugénie, très prude, la convia, malgré sa détestable réputation, au bal costumé donné aux Tuileries le 9 février de cette année. Ce fut un scandale épouvantable. La dame se présenta déguisée en Reine d'étrurie – elle était originaire de Toscane cœur de l'antique territoire des étrusques. En fait de déguisement elle s'était vêtue de longs pans de tissus fendus jusqu'à la taille retenus aux épaules par des escarboucles d'or et de pierreries. Au moindre mouvement on entr'apercevait le corps et comme elle ne portait pas de dessous... comble de la provocation elle s'était chaussée d'une semelle à lacets qui ne cachait pas la nudité de pieds aux orteils ornés de bagues.
La comtesse, séparée de son mari et qui devait perdre prématurément son fils à la guerre, poussait le narcissisme jusqu'à l'extrême limite de la folie. Elle se fit photographier des centaines de fois tout au long de sa vie. L'un de ces clichés la représentant dans ce costume est exposé ici - l'exposition que le palais de Compiègne consacre au sculpteur Varrier-Belleuse - : elle a l'air d'avoir décroché les rideaux de sa salle à manger. La comparaison du cliché avec la statue du sculpteur est éloquente et montre le savoir faire et l'habileté élégante du praticien. Il opte pour un style résolument néoclassique plus adapté au sujet et met un peu d'ordre dans le vêtement à qui il donne un aspect vaguement grec. Surtout il prête à son modèle une attitude plus souple et plus retenue. Il dompte la chevelure et ordonne cette crinière quasi hystérique en une lourde et sensuelle coiffe de mèches soigneusement peignées. Enfin il simplifie les plis d'une étoffe à qui il donne un apprêt moins froissé, plus noble. Le déhanchement peu gracieux se transforme en un souple chiasme, enfin il adoucit le beau visage à qui il donne quelque chose de vaguement enfantin. En un mot il transforme une image de la « fête impériale » en icône.
Gilles Coyne
- La comtesse de Castiglione en costume de Reine d'étrurie, 1864, Plâtre patiné, 72 sur 30 sur 32 cm., Compiègne, musée national du château, © RMN/Grand Palais/Stéphane Maréchalle
Carrier-Belleuse
Le maître de Rodin
22mai – 27 octobre 2014
Palais de Compiègne
Place du général de Gaulle 60200 Compiègne
Tél. : 03 44 38 47 00
internet : www.musee-chateau-compiegne.fr